Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Notes Lunatiques
23 octobre 2009

Quarante-et-unième jour : retour à la réalité

Une maison mangée par la vigne, au milieu des prés et des champs de blé. D’une fenêtre s’échappe les odeurs colorées d’une soupe et d’un crumble parfumé au rhum. Yo-ho yo-ho, je suis chez moi, enfin. Je m’élance dans l’allée, et mes mèches roses reprennent la blondeur des foins, et le cliquetis de mes bijoux se fond dans les bruits de clochette de ma chatte bondissant vers moi. Et dans mon dos, une petite feuille de papier, pleine d’encre bleue et de traits propres, virevolte dans le vent.

Je passe la porte avec le traditionnel : « M’man, j’ai du linge sale pour toi ! » Au bout de mon bras, ma valise semble flotter dans les airs tandis que je l’entraîne dans l’entrée de toute la force de mes petits bras. Suivie de quatre petites feuilles quadrillées, fusant dans mon sillage.

La machine à laver remplie, le crumble englouti (« M’man, j’ai mis la vaisselle dans l’évier ! »), je saute sur mon fidèle VTT et, dans un souffle brassant des dizaines de feuilles blanches, je suis emportée par une volonté mystique sur les petits chemins caillouteux. Putain de Bretagne, comment que tu m’as manqué !  Lagdanam, comparée à toi, n’est que bitume, n’est qu’une haute façade d’un rose sale obscurcissant l’horizon ! Ici ça sent l’herbe humide, et le terreau, et la pluie, et l’humain est dissout dans ce parfum comme autant de brins d’herbe dans le vent d’Ouest ! (Et autant de feuilles aussi, des centaines derrière le vélo.)

Il suffit d’en parler pour que la pluie vienne à moi, embourbant ma bécane dans une ornière de tracteur, comme une gamine faisant une bonne blague. Ma peau d’un frémissement tente de résister, puis reconnaissant son élément premier commence à boire les gouttes comme si elle revenait d’une longue marche dans le désert. Après avoir dégagé mon vélo, je finis la route en marchant les pieds dans l’herbe douce, absorbant la pluie jusqu’à me diluer dans le paysage. Je débouche sur une maison biscornue entourée de champs en friche et de deux poneys apathiques. Un fauve multicolore m’accueille en me bondissant dessus, mais changeant brusquement d’idée il rebondit sur mon bras et repart en galopant dans l’autre sens pour aller se planquer derrière une cabane à outils, d’où émane une aura bleue électrique peu naturelle. Sans me démonter, j’ouvre la porte en grand :

« Onsen ! Tu oses commencer ta partie de Diablo sans moi ? »

Une tête ébouriffée émerge de derrière un des innombrables écrans de PC qui peuple la pièce de la taille d’un placard à balais. Le propriétaire des lieux a poussé le vice jusqu’à coincer dans un recoin inoccupé une boule électrique remplie d’éclairs bleus vifs.

« Attends, je te fais une place ! » répond l’intéressé en faisant voler quelques câbles et moutons de poussières à travers la cabane. « Mais… Seika, qu’est-ce que c’est que CA ? »

Je fais volte-face, et tombe nez-à-nez avec l’amas de feuilles. La pluie en a fait une montagne de papier mâché qui prend vaguement la forme d’un golem, ou d’une moussaka géante, selon l’angle de vue. Il s’avance vers moi en rugissant de mécontentement, faisant onduler dans ses mouvements des milliers de formules mathématiques que je n’arrive pas à comprendre. Je plonge derrière les ordinateurs aux côtés d’Onsen, mais notre tranchée improvisée ne nous laisse même pas la place de lever le bras pour hisser le drapeau blanc. « Que veulent dire les formules ? Que veulent dire les formules ? » Répété-je désespérément. « Onsen, trouve les formules, c’est notre seul chance de salut ! »

Onsen parvient à envoyer la boule électrique à la figure du monstre, qui s’éteint lamentablement en vol et lui rebondit dessus avec la véhémence d’un ballon de plage.

« Que veulent dire les formules ? Que veulent dire les formules ? » insisté-je. « C’est notre seul moyen de survie ! »

« La cage de Farraday ne peut rien contre le papier », commente philosophiquement Onsen.

En réaction à l’attaque, le golem-moussaka hurle soudain toute son indignation, et claquant la porte de la cabane, nous laisse pour dernière image sa gueule béante fondant sur nous.

 

BAM !

Seika, descente de lit. En vente dans tous les bons IKEA.

It’s phone time.

« ONSEEEEEEN ! »

« Mouhauiaaou ? »

« Tu te lèves TOUT DE SUITE et tu move your ass ! Les vacances, c’est fait pour REVISER !!! »

bretagne

Publicité
Publicité
Commentaires
Catégories
Publicité
Publicité